Sunday, April 5, 2009

Message d’un étudiant d’histoire L2

[this message was sent by the History department]

Permettez moi tout d'abord de me présenter: je m'appelle XXXXX et je suis étudiant en Histoire au sein de votre établissement.

Si j'ai pris l'initiative de vous écrire, c'est pour vous faire part du chaos que provoquent ces grèves et blocages depuis le début du mouvement. Vous n'êtes pas sans savoir que cette semaine le mouvement de contestation entre dans son deuxième mois et que le dernier cours sans incident ou perturbation concernant l'UFR d'Histoire remonte au 21 Décembre 2008.

Cela fait donc près de trois mois qu'aucun cours n'est assuré. Je ne chercherai pas ici à vous donner mon point de vue sur les réformes tant contestées mais je m'attarderai sur l'état d'esprit dans lequel se trouvent la plupart des étudiants qui ne comprennent plus le mouvement et se sentent abandonnés.

En effet, si nous avons choisi d'entrer à l'université, c'est évidemment dans le but d'y apprendre et d'évoluer. Cependant, les conditions actuelles ne le permettent pas: avoir trois mois de cours complets sur une année entière me semble inadmissible. Certains ont dû louer un logement autour de Paris en venant de province pour étudier à Paris IV, d'autres payent des abonnements de transports relativement chers etc. Ces dépenses sont conséquentes et en tant qu'étudiants nous n'avons pas de ressources financières régulières et suffisamment fortes pour pouvoir nous permettre de payer "à vide" alors que le mouvement nous empêche d'avoir cours.

Même si ce point est important à mes yeux, il me semble que l'aspect mental est à prendre en compte: beaucoup de professeurs parlent de la sauvegarde de notre avenir en allant manifester et en nous bloquant l'accès aux cours; or je ne vois pas les évènements de la même manière: ces blocages conduiront à baisser fortement le niveau des diplômes qui perdront de leur valeur avec les années, les seuls pénalisés seront au final les étudiants. Qui prendra en charge ces étudiants au diplôme bradé lorsqu'ils seront sur le marché du travail ? Je vois ce mouvement comme un sacrifice de génération dont il n'y aura aucun effet réel dans l'avenir. Le mouvement aura peut-être un effet sur le court terme, mais aucun professeur ne semble s'intéresser au long terme.

D'autre part, le moral des étudiants est au plus bas: ni vraiment en période de travail, ni en vacances, plus personne ne sait où donner de la tête. Beaucoup de professeurs invoquent qu'il faut continuer à travailler chez soi et avancer le programme: cela me paraît tout à fait absurde et même déplacé de leur part. Si nous avons choisi l'université c'est pour participer à des cours donnés par de grands professeurs, aller en bibliothèque est à la portée de tous et ce n'est qu'un complément. Les cours sont la base de notre apprentissage. Certaines matières n'ayant pas même eu lieu, nous ne connaissons pas tous les programmes du second semestre. Alors travailler oui, mais sur quelles bases ? Rendez-vous compte messieurs: certains enseignement ont plus de 20h de retard !

Notez également que la désinformation est tout à fait scandaleuse puisque nous n'avons aucune nouvelle des UFR depuis une semaine et certains professeurs n'écrivent pas à leurs élèves pour leur donner des nouvelles du mouvement ou de la manière dont ils envisagent de finir l'année. L'UFR d'Histoire est particulièrement touchée puisqu'elle n'a pas eu le droit à des réunions d'information et de débats quand d'autres ont pu y avoir accès.

Nous sommes le mercredi 1 avril et il reste officiellement 1 mois et demi avant la fin de l'année telle qu'elle avait été prévue. Il est donc évident que nous avons passé un point de non-retour irrattrapable, même en prolongeant les cours jusqu'à fin Juin. Certains d'entre nous comptaient sur plusieurs matières pour se spécialiser, et cela est impossible. Ce semestre de perdu n'est pas simplement un amas d'ECTS à combler, c'est un trou de connaissances pour notre avenir. Comment privilégier l'éducation pour tous alors que nous-mêmes en sommes privés et que cela fait partie de nos droits dès l'instant où nous nous sommes inscrits ?

Oui le droit de grève est effectif. Oui les professeurs ont le droit de manifester leur mécontentement. Non ils n'ont pas le droit de sacrifier notre avenir. Au final, ce sont les étudiants qui passeront leurs examens, pas les professeurs. Et ce sont encore les étudiants qui ne démarreront pas dans la vie active à cause d'un diplôme que l'on aura tronqué. Enfin, ce sont les étudiants qui n'auront pas accès à un savoir pour lequel ils ont payé.

Messieurs, le moral des étudiants est vraiment au plus bas. Un mouvement aussi long perturbe les esprits et nous ne savons plus où nous placer: beaucoup ont déjà abandonné, des étudiants étrangers repartent. Est-ce là le souhait réel des professeurs ? Redémarrer une année dès maintenant ou après les vacances de Pâques sera de toute évidence une épreuve mentale et nous demander de se remettre au travail comme si de rien n'était sera très dur. Rester en grève le sera encore plus.

Ainsi, je vous demande, messieurs de considérer que derrière ce mouvement, il y a aussi un aspect mental qui n'a jamais été pris en compte depuis le début du mouvement et que quoi qu'il advienne de cette année, quoi que vous décidiez à l'avenir concernant les partiels ou la reprise (ou non) des cours, il y'aura de très lourdes séquelles. L'université, qui voulait nous protéger, s'est au final retournée contre nous...

Je vous prie d'agréer, messieurs les professeurs et directeurs, mes salutations les plus distinguées.

2 comments:

louise said...
This comment has been removed by the author.
louise said...

je n'ai qu'une chose à dire: bravo! tu as au moins une étudiante de la sorbonne qui te soutient.